Culture & Patrimoine

Maroc – Japon : Réflexion d’un professionnel de l’hôtellerie après un séjour au pays du soleil levant

Lors de mon récent séjour au Japon, pays fascinant où se mêlent tradition millénaire et technologie de pointe, je n’ai pas pu m’empêcher de comparer, presque instinctivement, chaque détail de l’expérience touristique japonaise avec celle que propose aujourd’hui le Maroc.
Non pas pour opposer deux nations, mais pour comprendre ce qui fait la force d’un modèle arrivé à maturité, ce que nous pouvons en retenir et surtout ce que le Maroc possède déjà pour devenir l’un des futurs leaders mondiaux du tourisme.

Cette analyse s’inscrit dans une vision constructive : le Maroc avance avec de solides atouts, tandis que le Japon, malgré son excellence organisationnelle, commence à affronter les limites de son propre succès.

1. Deux trajectoires touristiques diamétralement opposées

Le Japon : une excellence qui atteint ses limites

Le Japon attire grâce à une combinaison unique : culture forte, histoire, discipline sociale, infrastructures extrêmement efficaces, et une image mondiale soigneusement construite.

Cependant, cette montée spectaculaire s’accompagne désormais de défis :

  • Sur-tourisme massif, en particulier à Tokyo, Kyoto, Osaka
  • Pression sur les infrastructures
  • Hausse fulgurante des prix : hôtels, restaurants, transport
  • Taxe touristique multipliée par 10
  • Expérience parfois dégradée par la saturation

Le Japon est devenu victime de son propre succès.

Le Maroc : un potentiel majeur encore sous-exploité

Le Maroc dispose d’atouts que beaucoup de destinations rêveraient d’avoir :

  • une diversité naturelle unique,
  • un climat favorable toute l’année,
  • une culture riche et vivante,
  • une gastronomie mondialement appréciée,
  • une proximité stratégique avec l’Europe,
  • une image de plus en plus moderne et positive.

Le Maroc n’est pas saturé : il est en phase d’opportunité, prêt à bâtir un modèle plus équilibré, durable et intelligent.

2. Analyse comparative : ce que le Japon a maîtrisé… et ce que le Maroc peut adapter

A. Digitalisation : l’exemple emblématique de la carte SUICA

La carte SUICA, véritable colonne vertébrale de la mobilité au Japon, illustre parfaitement ce que le Maroc peut développer :

Ce que SUICA permet :

  • paiement du métro, train, bus,
  • achats dans les konbinis,
  • paiement dans les vending machines,
  • recharge en quelques secondes,
  • disponibilité sur carte physique et smartphone,
  • gestion totale depuis l’application mobile.
  • Un seul outil pour toutes les actions quotidiennes du voyageur.

Ce que cela pourrait donner au Maroc :

  • Création d’une carte touristique nationale NFC, utilisable pour :
  • tram, bus, taxis agréés, parkings,
  • musées, monuments, sites historiques,
  • petits achats (épicerie, snacks, cafés),
  • services touristiques.
  • Une digitalisation pratique, fluide, pensée autour du voyageur, et non autour des institutions.

C’est ce type d’innovation qui transforme un séjour en expérience maîtrisée.

B. Standards de qualité : constance japonaise vs variabilité marocaine

Au Japon, la constance est un pilier :

  • standards identiques pour tous les hôtels,
  • check-lists universelles,
  • propreté irréprochable,
  • communication claire et respectueuse,
  • formation continue obligatoire.
  • La qualité est prévisible. Et cette prévisibilité rassure les voyageurs.

Au Maroc, la qualité existe — souvent avec excellence — mais elle reste hétérogène.

  • Ce que le Maroc peut mettre en place :
  • une charte nationale obligatoire pour les EHT,
  • des audits qualité plus fréquents,
  • un système d’évaluation transparent basé sur des indicateurs réels,
  • une plateforme nationale de formation continue (hybride présentiel + digital).

Le talent marocain est grand, mais il doit être accompagné par des cadres, procédures et standards.

C. Infrastructures et mobilité : le modèle japonais et l’opportunité marocaine

Le Japon bénéficie de :

  • un réseau ferroviaire extrêmement structuré,
  • des correspondances fluides,
  • une signalétique impeccable,
  • des bornes d’information partout,
  • des gares pensées comme des hubs touristiques.
  • accès partout pour les PMR
  • du personnel toujours prêt a aider.

Même un visiteur qui ne parle ni japonais ni anglais peut se déplacer sans stress.

Le Maroc progresse déjà, mais voici les leviers concrets :

  • une signalétique nationale trilingue standardisée,
  • des bornes digitales dans gares, aéroports, médinas, hôtels,
  • une app unique regroupant : transports, itinéraires, horaires, tickets, QR codes,
  • un système de correspondances entre bus, train, taxis, Autocar…

La mobilité est le cœur de l’expérience touristique : si elle est fluide, tout le reste l’est aussi.

D. Marketing & storytelling : la force japonaise vs le potentiel marocain

Le Japon a réussi à exporter son imaginaire :

  • anime, samouraïs, temples, sushi, technologie, propreté, sécurité.
  • Chaque élément du quotidien alimente ce « mythe japonais ».

Le Maroc possède une richesse culturelle immense, mais il manque encore à :

  • unifier sa narration,
  • renforcer son identité visuelle,
  • accélérer son marketing digital,
  • produire des contenus viraux récurrents.

Exemples concrets pour le Maroc :

  • mini-docs hebdomadaires « One Minute Morocco »,
  • programmes avec influenceurs internationaux,
  • campagnes virales orientées « expérience » plutôt que « destination »,
  • exploitation intelligente de l’IA pour créer des guides interactifs multilingues.

Le Maroc inspire déjà. Il reste à amplifier ce message.

E. Gestion des flux : éviter les erreurs du Japon

Le Japon doit désormais contrôler son sur-tourisme :

  • restrictions d’accès,
  • quotas,
  • fermetures ponctuelles,
  • taxes supplémentaires.
  • réservation des attractions des mois a l’avance

Le Maroc, lui, dispose de territoires immenses encore sous-explorés.
Nous avons la chance de pouvoir planifier avant la saturation.

Actions concrètes :

  • créer des Routes Touristiques Officielles (Route des Oasis, Route des Plages Atlantiques, Route des Montagnes Rifaines…),
  • investir dans le tourisme rural,
  • encourager les hébergements alternatifs de qualité,
  • diversifier les portes d’entrée aériennes et maritimes.

3. Conclusion : le Maroc n’est pas en retard — il est en phase d’opportunité stratégique

Le Japon est à un stade où l’excellence atteint ses limites.
Le Maroc, lui, se trouve au début d’une trajectoire ascendante.

Avec :

  • une digitalisation ambitieuse,
  • des standards homogènes,
  • une meilleure organisation logistique,
  • un storytelling puissant,
  • une répartition intelligente des flux,
  • une montée en compétence massive des professionnels,

le Maroc peut se positionner comme l’une des destinations les plus attractives, modernes et durables du monde.

Ce voyage au Japon m’a confirmé une conviction profonde :
notre pays possède tous les atouts. Il lui suffit de structurer, d’unifier et de moderniser son expérience touristique.

Et si le Japon montre ce qu’un modèle abouti peut accomplir, le Maroc, lui, porte en lui la promesse d’un futur encore plus inspirant.

 

Samri Anass

Samri Anass est un professionnel de l’hospitalité doté d’un solide parcours académique, titulaire d’un Master en Gestion de Projets Touristiques et E-Tourisme (Université d’Avignon) ainsi que d’un Master en Management Stratégique de l’Hôtellerie et de la Restauration (ISITT Tanger). Directeur Opérationnel de l’Hôtel Kabila, il pilote les opérations avec rigueur et sens du détail, tout en plaçant l’expérience client au cœur de ses priorités. Visionnaire et engagé, il a su développer plusieurs projets innovants et guide ses équipes vers l’excellence en cultivant la clarté, la collaboration et l’ambition.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page